Par trois jugements du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Poitiers s’est prononcé sur trois arrêtés inter-préfectoraux du 30 mars 2022 définissant les mesures de restriction devant être mises en œuvre en cas de sécheresse dans les bassins de la Vienne, du Clain et de la Dive du Nord. Le tribunal a validé les mesures susceptibles d’être prises en été, mais a annulé celles relatives aux périodes hivernale et printanière, sans toutefois remettre en cause la légalité des arrêtés de restriction pris depuis 2022 sur le fondement des arrêtés-cadres annulés.
Les articles R. 211-66 et suivants du code de l’environnement confient aux préfets de département le soin de prendre des arrêtés de restriction des usages de l’eau en cas, notamment, de sécheresse. Ces arrêtés doivent normalement être pris en application d’arrêtés-cadres préfectoraux ou inter-préfectoraux planifiant à l’avance les conditions de déclenchement des quatre niveaux de gravité de la situation de sécheresse (vigilance, alerte, alerte renforcée et crise), en fonction de critères relatifs à l’état de la ressource en eau (niveau des nappes, débit des cours d’eau, etc.), et les mesures de restriction à mettre en œuvre pour chacun de ces niveaux.
Le tribunal était saisi par la chambre d’agriculture de la Vienne de requêtes contre les trois arrêtés-cadres inter-préfectoraux portant sur les bassins de la Vienne, du Clain et de la Dive du Nord. Ces arrêtés distinguaient trois périodes :
une période dite de printemps, courant chaque année du 1er avril au 3e dimanche de juin ;
une période dite d’été, courant chaque année du 3e dimanche de juin au 30 octobre ;
une période dite hivernale, courant du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante.
Par ses jugements du 5 juin 2024, le tribunal a écarté la plupart des critiques formulées par la chambre d’agriculture. Il a toutefois annulé les arrêtés-cadres sur deux points particuliers.
D’abord, le tribunal a relevé que les arrêtés ne prévoyaient aucune règle précise pour la période hivernale, c’est-à-dire pour la période courant du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante. Or, en vertu du code de l’environnement, les préfets doivent définir des mesures de restriction pour l’ensemble de l’année. En outre, si les sécheresses sont le plus souvent constatées entre le 1er avril et le 31 octobre, elles s’étendent parfois en dehors de cette période, comme ce fût le cas dans le département de la Vienne à l’automne 2022. Le tribunal a donc constaté que les arrêtés étaient incomplets et les a annulés dans cette mesure. Cette annulation des arrêtés en tant qu’ils ne comportent pas de règles pour la période hivernale n’a pas d’autre conséquence que de constater l’illégalité de cette situation, à laquelle les préfets doivent remédier.
Ensuite, le tribunal a relevé que, pour la période de printemps, les mesures de restriction n’étaient définies que selon trois niveaux de gravité de la situation de sécheresse (vigilance, alerte et alerte renforcée), alors que le code de l’environnement impose de les définir selon quatre niveaux (vigilance, alerte, alerte renforcée et crise), afin d’assurer une meilleure proportionnalité des mesures prises. Le tribunal a donc annulé les dispositions des trois arrêtés-cadres portant sur la période de printemps. Toutefois, afin de ne pas remettre en cause les mesures de restriction prises depuis 2022 sur le fondement de ces arrêtés-cadres, et pour laisser le temps aux autorités préfectorales de publier de nouveaux arrêtés, le tribunal a décidé de différer les effets de cette annulation à la fin de la période de printemps en cours. Ainsi, les dispositions des trois arrêtés portant sur la période de printemps ne seront annulées qu’à compter du 17 juin 2024.