Par trois jugements du 21 octobre 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les tierces oppositions* formées par des irrigants et d’autres acteurs locaux contre son jugement du 9 juillet 2024 qui annulait l’autorisation portant sur l’ensemble des prélèvements à usage d’irrigation dans les bassins versants du Marais poitevin.
Dans les territoires qui se caractérisent par une insuffisance structurelle de la ressource en eau, comme dans le Marais poitevin, le code de l’environnement prévoit la délivrance, à des organismes uniques de gestion collective, d’autorisations pluriannuelles de prélèvement d’eau pour l’irrigation. Ces organismes répartissent ensuite les droits de prélèvement entre les irrigants dans des documents appelés plans annuels de répartition. Dans le Marais poitevin, c’est l’établissement public du Marais poitevin (EPMP) qui exerce la mission d’organisme unique.
Par un jugement du 9 juillet 2024, le tribunal a annulé l’autorisation pluriannuelle de prélèvement délivrée par les services de l’État à l’EPMP pour l’ensemble des prélèvements à usage d’irrigation dans les bassins versants du Marais poitevin. Toutefois, afin de ne pas empêcher les agriculteurs de poursuivre l’irrigation tout en restant dans des limites raisonnables, le tribunal a délivré à l’EPMP une autorisation de prélèvement provisoire**, jusqu’à ce que les préfets délivrent une nouvelle autorisation pluriannuelle. Ce jugement a donné lieu à trois requêtes en tierce opposition.
La première tierce opposition émanait de 825 requérants. Parmi eux, se trouvaient notamment des irrigants, dont les droits à irriguer sont affectés par le jugement du 9 juillet 2024. Le tribunal a toutefois relevé que le code de l’environnement prévoit que l’EPMP, lorsqu’il demande l’autorisation unique de prélèvement et lorsqu’il établit les plans de répartition entre irrigants, agit pour le compte de ces irrigants, après les avoir consultés, et qu’au sein de l’EPMP, une commission spéciale, au sein de laquelle les irrigants sont largement représentés, est chargée de proposer la répartition des volumes par irrigant. Le tribunal en a déduit que l’EPMP, qui était partie à la procédure ayant donné lieu au jugement du 9 juillet 2024, avait représenté les intérêts des irrigants dans cette procédure et qu’en conséquence, ceux-ci n’étaient pas recevables à former tierce opposition contre ce jugement.
Pour les autres requérants de la première tierce opposition (pour l’essentiel des entreprises se prévalant des conséquences indirectes sur leur activité de l’éventuelle baisse de l’irrigation), le tribunal a considéré que le jugement du 9 juillet 2024 ne préjudiciait pas directement à leurs droits.
Les deux autres tierces oppositions émanaient de deux syndicats intercommunaux. Le tribunal a estimé que le jugement du 9 juillet 2024 ne préjudiciait pas directement aux droits de ces derniers.
Le tribunal a donc rejeté les trois tierces oppositions dont il était saisi. Les requérants peuvent désormais, s’ils l’estiment utile, faire appel de ces jugements ou produire directement leurs observations dans le cadre de la procédure déjà ouverte devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, l’État ayant fait appel du jugement rendu le 9 juillet 2024.
* Lorsque des personnes estiment qu’un jugement porte atteinte à leurs droits alors qu’elles n’ont pas été parties à la procédure et n’y ont pas été représentées, elles peuvent demander à faire de nouveau juger l’affaire en introduisant une tierce opposition.
** L’autorisation provisoire délivrée par le tribunal n’impose pas de baisse des prélèvements annuels. En effet, cette autorisation accorde un volume annuel total de prélèvement de 67,6 millions de m3, alors qu’en moyenne sur la période 2010-2019, le volume annuel prélevé pour l’irrigation est de 64,85 millions de m3.