« Pratiques commerciales trompeuses » au CHU de Poitiers : le juge du fond annule l’ensemble des sanctions administratives infligées à l’établissement.

Décision de justice
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Le 1er février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers avait suspendu l’exécution de l’ensemble des sanctions infligées au CHU de Poitiers le 27 décembre 2023 par le directeur départemental de la protection des populations de la Vienne, à savoir, quatre amendes administratives d’un montant total de 37 500 euros, la publication d’un communiqué relatif à ces amendes sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’obligation de faire publier le même communiqué sur le site internet du CHU et sur les lieux de facturation de cet établissement pendant une durée de 30 jours. Par un jugement du 6 mars 2025, le tribunal administratif de Poitiers a confirmé l’ordonnance du juge des référés et annulé l’ensemble des sanctions infligées au CHU.

Les deux premières amendes de 10 000 euros sanctionnaient, pour la première, le défaut d’indication du tarif réduit de l’hospitalisation de jour lors de l’utilisation du formulaire de réservation informatique d’une chambre individuelle sur le site internet du CHU ainsi que l’absence de mention de la possibilité pour le patient de choisir un tel tarif quel que soit le service d’hospitalisation, et, pour la seconde, la circonstance que les formulaires de demande de chambre individuelle en format papier de l’établissement ne mentionnaient pas non plus la possibilité de choisir une hospitalisation de jour, ni le tarif réduit correspondant. Les agents de la DGCCRF avaient estimé que ces manquements étaient de nature à induire en erreur le patient sur l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ainsi que sur le prix de la prestation ou le mode de calcul de ce prix en méconnaissance de l’article L. 121‑2 du code de la consommation

Pour annuler ces deux amendes, le tribunal a relevé que le tarif réduit de l’hospitalisation de jour figurait bien sur le site internet du CHU et que si le menu déroulant de choix du service d’hébergement pour chacun des services d’hospitalisation consultés par les agents de la DGCCRF ne permettait pas de sélectionner l’option « hospitalisation de jour », cette circonstance ne présentait aucun caractère anormal dès lors que tous les services testés étaient des services d’hospitalisation complète qui, par définition, ne pratiquaient pas l’hospitalisation de jour (sans nuitée). Il en a déduit que l’absence d’une telle information était sans influence sur la bonne information ainsi que sur le choix économique des patients en hospitalisation complète dès lors que ceux-ci n’avaient pas le choix entre une hospitalisation de jour et une hospitalisation complète. Le tribunal a enfin constaté qu’il n’était pas, par ailleurs, allégué que des patients admis dans un service d’hospitalisation de jour ne se seraient pas vu proposer des formulaires de consentement informatiques ou papiers comportant le tarif réduit correspondant.

La troisième amende infligée au CHU portait sur diverses surfacturations constatées par la DGCCRF concernant essentiellement des patientes hébergées en services de gynécologie et/ou d’obstétrique. Les agents de la DGCCRF avaient, là encore, estimé que ces erreurs de facturation, pourtant commises a posteriori, constituaient des « pratiques commerciales trompeuses » ou des « pratiques commerciales déloyales » susceptibles de tromper le consommateur au sens des articles L. 121‑1, L. 121-2 et L. 121-3 du code de la consommation.

Pour annuler cette sanction, le tribunal a relevé que ces surfacturations n’étaient pas dues à l’affichage d’un tarif erroné par le CHU sur son site internet ou sur les formulaires papiers remis aux patients, mais à des erreurs de paramétrage de la discipline médico-tarifaire (DMT) pour la gynécologie et à une mauvaise saisie de paramétrage du tarif « régime particulier » (RP) pour l’obstétrique et à la gynécologie et qu’ainsi, les patientes ayant fait l’objet de ces surfacturations avaient, en toute connaissance de cause, choisi, lorsqu’elles ont réservé leur chambre individuelle sur le site internet du CHU, le bon tarif publié par l’établissement. Le tribunal en a déduit que ces surfacturations, pour regrettables qu’elles soient, n’ont pu altérer de manière substantielle le comportement économique des patientes.

La quatrième amende de 7 500 euros était justifiée par le fait que le CHU aurait facturé de manière abusive à ses patients des chambres particulières sans aucun accord préalable de leur part ou pour des périodes au cours desquelles ces patients n’avaient pas encore formalisé leur accord écrit pour un tel type de prestation en méconnaissance de l’article L. 1111-3-4 du code de la santé publique.

Pour annuler cette dernière amende, le tribunal considère, en premier lieu, que l’administration n’établit pas, comme elle en a la charge, que le CHU aurait facturé à certaines patientes des chambres particulières sans aucun accord préalable de leur part.

Le tribunal juge, en second lieu, qu’aucun texte législatif ou règlementaire, ni aucun principe ne fait obstacle à ce que le centre hospitalier facture la totalité d’un séjour en chambre individuelle à un patient même lorsque celui-ci n’a pas, compte tenu de son état physique ou mental ou de l’urgence de son hospitalisation, demandé une telle prestation par écrit lors de son admission dans le service, dès lors que ce patient a manifesté, à tout le moins oralement, sa volonté de bénéficier de cette même prestation.

Voir le jugement du 6 mars 2025.

Lien vers le communiqué du 1er février 2024.