Par un jugement du 9 juillet 2024, le tribunal administratif de Poitiers a annulé, une nouvelle fois, l’autorisation pluriannuelle délivrée par les services de l’État pour l’ensemble des prélèvements à usage d’irrigation dans les bassins versants du Marais poitevin. Toutefois, afin de permettre la poursuite de l’irrigation, le tribunal a délivré une autorisation provisoire de prélèvement.
Dans les territoires qui se caractérisent par une insuffisance structurelle de la ressource en eau, le code de l’environnement prévoit la délivrance, à des organismes uniques de gestion collective, d’autorisations pluriannuelles de prélèvement d’eau pour l’irrigation. Ces organismes répartissent ensuite les droits de prélèvement entre les irrigants dans des documents appelés plans annuels de répartition.
Dans ce cadre, les préfets de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres, de la Vendée et de la Vienne ont délivré, le 12 juillet 2016, une autorisation de prélèvements à l’établissement public du Marais poitevin (EPMP), organisme unique de gestion collective, pour l’ensemble des prélèvements à usage d’irrigation réalisés sur les bassins versants du Marais poitevin. Cet arrêté a été annulé par le tribunal par un jugement du 9 mai 2019 (voir l’actualité), confirmé par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 15 juin 2021. Le tribunal et la cour ont notamment considéré que les volumes autorisés étaient excessifs et que l’autorisation avait pour conséquence, du fait de la création de réserves de substitution (dites aussi « méga-bassines »), une augmentation nette des prélèvements annuels, alors que les nouveaux prélèvements hivernaux servant au remplissage de ces réserves doivent normalement être compensés par une diminution des prélèvements estivaux.
À la suite de cette annulation, les préfets ont délivré, le 9 novembre 2021, une nouvelle autorisation pluriannuelle de prélèvements à l’EPMP, valable jusqu’au 31 mars 2026.
Saisi par l’association Nature Environnement 17, le tribunal a constaté que la nouvelle autorisation portait sur des niveaux de prélèvement similaires à ceux mentionnés dans la première autorisation et que, comme cette première autorisation, la nouvelle autorisation permettait une augmentation nette des prélèvements annuels, les prélèvements hivernaux projetés dans le cadre de la création de nouvelles réserves de substitution n’étant pas compensés par une baisse des prélèvements estivaux.
Le tribunal a donc annulé l’autorisation pluriannuelle de prélèvement du 9 novembre 2021.
Toutefois, afin de permettre la poursuite de l’irrigation dans des proportions raisonnables, le tribunal a délivré à l’EPMP une autorisation de prélèvement provisoire, jusqu’à ce que les préfets lui délivrent une nouvelle autorisation.
Pour fixer les volumes autorisés, le tribunal s’est fondé :
pour les prélèvements estivaux, sur les volumes prélevables provisoires qui ont été déterminés par le préfet de région dans l’attente de la finalisation des études scientifiques qui permettront de déterminer les volumes prélevables (le volume prélevable est le volume que le milieu est capable de fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes) ;
pour les prélèvements hivernaux, sur les volumes effectivement prélevés dans le milieu avant la délivrance de l’autorisation contestée, afin d’assurer le respect du principe de substitution, selon lequel la création de « méga-bassines » ne doit pas conduire à une augmentation des prélèvements annuels, mais seulement à un transfert des prélèvements de l’été vers l’hiver.
Enfin, le tribunal a ordonné à l’EPMP de définir des plans de répartition entre irrigants et à l’État de les approuver dans les meilleurs délais, à savoir un mois pour l’été 2024 et quatre mois pour l’hiver 2024-2025. En cas de non-respect de ces délais, l’EPMP et l’État s’exposent à une astreinte de 100 euros par jour de retard.