Par trois jugements du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Poitiers s’est prononcé sur des recours introduits par des irrigants contre des arrêtés du préfet de la Charente-Maritime ayant restreint, au printemps et à l’été 2022, les prélèvements d’eau à usage d’irrigation agricole. Le tribunal a validé les arrêtés pris pour le bassin du Marais poitevin. Il a en revanche annulé ceux pris pour le bassin de la Saintonge car ils ont été pris en application d’un arrêté-cadre lui-même illégal.
Les articles R. 211-66 et suivants du code de l’environnement confient aux préfets de département le soin de prendre des arrêtés de restriction des usages de l’eau en cas, notamment, de sécheresse. Ces arrêtés doivent en principe être pris en application d’arrêtés-cadres planifiant à l’avance les conditions de déclenchement des quatre niveaux de gravité de la situation de sécheresse (vigilance, alerte, alerte renforcée et crise), en fonction de critères relatifs à l’état de la ressource en eau (niveau des nappes, débit des cours d’eau, etc.), et les mesures de restriction à mettre en œuvre pour chacun de ces niveaux.
Le printemps et l’été 2022 ayant été marqués par une forte sécheresse, le préfet de la Charente-Maritime a pris plusieurs arrêtés pour restreindre les différents usages de l’eau. Compte tenu de la gravité de la sécheresse, certains de ces arrêtés ont fortement limité, voire interdit, les prélèvements d’eau à usage d’irrigation agricole dans certains secteurs du bassin du Marais poitevin et du bassin de la Saintonge. Des irrigants ont alors saisi le tribunal pour contester la légalité de ces arrêtés.
Par deux premiers jugements, le tribunal a rejeté les requêtes introduites contre les arrêtés de restriction qui concernaient le Marais poitevin. Les requérants faisaient valoir que le premier des arrêtés attaqués, daté du 3 mai 2022, avait été pris avant la publication de l’arrêté-cadre relatif au Marais poitevin. Le tribunal a toutefois estimé que même en l’absence d’arrêté-cadre publié, il appartenait au préfet de prendre les mesures de restriction qui s’imposaient en raison de la situation de sécheresse. Les requérants soutenaient en outre que l’arrêté-cadre qui avait ensuite été publié, et sur lequel étaient fondés les autres arrêtés de restriction, était illégal, pour divers motifs. Le tribunal n’a toutefois retenu aucun de ces motifs et a donc jugé que l’arrêté-cadre était légal ainsi que, par conséquent, les arrêtés de restriction.
En revanche, par son troisième jugement, le tribunal a annulé tous les arrêtés de restriction des prélèvements d’eau à usage d’irrigation pris par le préfet de la Charente-Maritime entre le 18 juillet et le 8 septembre 2022 pour le bassin de la Saintonge. Le tribunal a fait droit à l’argumentation des requérants selon laquelle l’arrêté-cadre relatif à la Saintonge était illégal. En effet, cet arrêté-cadre ne prévoyait que deux niveaux de gravité de la situation de sécheresse pour le printemps et trois pour l’été, alors que l’article R. 211-66 du code de l’environnement impose que les arrêtés-cadres soient gradués selon quatre niveaux de gravité de la situation de sécheresse. Le tribunal a jugé que les arrêtés de restriction attaqués, qui avaient été pris pour l’application de cet arrêté-cadre, étaient par conséquent eux-mêmes illégaux et les a annulés.